LORSQUE L’ENFANT PARAḮT

Pétouille ! Drôle de temps à Bordeaux ! Brouillard, crachin, ambiance carrément londonienne. La patronne est en visite chez sa copine pour quelques jours . 
C- C’est vrai qu’on a le jabot humide ! Ça nous change pas des masses de Paris!
 A- Bonne idée tout de même que la maman Montignac nous ait installées dans l’orangerie. 
Jonathan - Reconnaissez aussi que je vous ai fait un meilleur accueil que celui que vous m’avez réservé la fois dernière au Quai Voltaire.
A- Alors le Bordelais ! Ca s’annonce comment les élections par ici ?
Jonathan - Notre Juppé va conserver la mairie sans aucun problème.

A- C’est pas le son de cloche que j’ai entendu ! On dit que le match Alain Juppé contre Alain Rousset va être chaud.

C- Oui mais il paraît que le Juppé en question a rasé les murs ces temps derniers ! Il l’a joué modeste et en fin de compte, sa cote a remonté un peu !

Jonathan - Il y a aussi que si Bordeaux s’est développée c’est bien à cause de Juju.

A- C’est ça mon pimpin ! Les gens bossent dans cette mairie depuis des lustres et c’est crâne d’œuf qui rafle la mise !

C- On a beau pencher pour la gauche, on va tout de même pas s’acharner contre lui ! Après tout, il est déjà bien descendu au hit parade. Les échecs ont du bon car ça finit par te donner de l’humilité.

A- Certes, mais quand tu as la grosse tête au départ, c’est dur de la perdre ! Pareil pour les bottes ! Tu changes pas de pointure en cours de route !
C- Tu penses que ça va être passionnant ces municipales dans deux mois ?
A- Bof ! Tout dépend des endroits ! Dans les grandes villes, ça va être sympa. A Marseille, Gaudin risque de se ramasser une bouillabaisse. A Lyon, c’est Perben l’ancien ministre qui va être à la ramasse et puis le bouquet final à Paris avec la sauterelle qui va se faire empanafer ! Il y aura en prime Radis Arachide qui veut se faire élire dans les beaux quartiers ! 
C- C’est sûr que ça va être intéressant dans la mesure où l’autre guignol veut faire de ces élections un test politique ! Y va être servi !
A-  Il faut qu’il se prenne une fessée le freluquet. Les gens finissent par comprendre que c’est un pantin et qu’on n’a rien à gagner avec lui, à part les emmerdes.
C- Le plus marrant, c’est que c’est dans ses partisans que la confiance dégringole !
A- Je veux ma nièce !  Les vieux qui ont voté pour lui commencent à prendre la nausée. Ils s’offusquent quand on les brusque ! Même ses plus chauds partisans commencent à fatiguer ! Regarde notre bon Jonathan qui moufte plus pour prendre sa défense et qui fait profil bas ! Les gens finissent par prendre conscience du ridicule. Pas vrai Jojo ?
Jonathan : Mmmmm ! Vous en avez pas marre de toujours jacter sur lui ?
C- Ce qui serait trop Lol, c’est que l’autre asperge n’en veuille plus ! Après tout, elle a eu le temps de réfléchir. Elle a dit qu’elle voulait pas aller en Inde juste pour l’après-midi.
A- De toutes façons, si elle y va , elle en reviendra dinde comme au départ ! Pétouille ! Moi qui connais pas ses œuvres, ça me donne pas envie d’écouter ses disques ! Elle est forcément frappadingue aux entournures ! Qui se ressemble s’assemble !
A- J’te ferai dire que notre tribune aujourd’hui se devait d’être spéciale. Arrêtons ici  la sarcozouille, on finit par en manger à tous les rateliers ! Tu y passes par la fenêtre, ça  te revient par-dessous la porte ! Ouvrez nous les fenêtres, ça nous fera de la fraîcheur ! Allez ! Venons en à ce qui devait être notre propos du jour ! Je te laisse annoncer la nouvelle !
C-Bon ! Le carnet mondain, c’est pas vraiment notre truc mais il faut tout de même faire passer l’info.  J’espère qu’il nous en voudra pas de toucher à sa vie privée. Gilren est grand père pour la première fois. C’est pour lui un grand bonheur ! Sa fille Fanette a mis au monde hier une petite fille. Julie qu’elle s’appelle et elle est jolie comme un cœur !
A- Une semaine qu’il contemplait ce ventre rond ! La petite était paraît-il si bien installée qu’elle ne voulait pas déménager.
C- Voilà une petite qui va rentrer dans une bonne maison ! Sa chambre est prête et l’attend depuis longtemps. Les  peluches installées sur les étagères babillent entre elles attendant la petite princesse. Le manège mobile accroché à son berceau piaffe d’impatience !
A- Souhaitons à tous les bébés du monde de naître ainsi, entourés d’amour et formulons   pour eux des vœux de bonheur et de paix.
C- Ça me tripatouille le fond de l’âme ça et me rend l’œil humide ! J’aurais tant aimé être maman !

Jonathan - Si tu avais fait preuve de meilleures intentions à mon égard, on aurait pu arranger le coup et demander à nos patronnes de nous faire cohabiter !
C- Euh …J’voudrais pas être désobligeante en ce jour d’espérance, mais il est de drôles d’oiseaux qui n’ont rien pour inspirer l’amour ! J’dirais même que ce sont parfois des remèdes contre la tentation !
A-Oué ! Mieux vaut être seules que mal accompagnées ! C’est pourtant une joie qu’on ne  connaîtra pas ! Faut dire que nous les ovipares, on  peut pas connaître cette sensation de lien charnel de ventre à ventre. C’est sûr que tout est dans l’œuf, mais on n’éprouve pas la même plénitude à y poser son croupion dessus !
C- On a une destinée de vieilles filles toutes les deux ! Mais c’est pas pour ça qu’on va devenir de vieilles chipies aigries même s’il y a de quoi le devenir dans ce monde de brutes ! Sachons garder la cacahuète !
A- Dis donc ma Camomille ! Je sais bien que tu sors pas de la Starac mais rien ne t’empêche de nous dire une petite poésie, toi qui est un peu pouète  pouète sur les bords!
C- Pour la circonstance, je vais vous en dire une du grand Victor. Elle fait partie du recueil « l’art d’être Grand-Père »

      
Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
J’allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l’ombre un pot de confiture
Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité,
Repose le salut de la société,
S’indignèrent, et Jeanne a dit d’une voix douce :
- Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce ;
Je ne me ferai plus griffer par le minet.
Mais on s’est récrié : - Cette enfant vous connaît ;
Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche.
Elle vous voit toujours rire quand on se fâche.
Pas de gouvernement possible. À chaque instant
L’ordre est troublé par vous ; le pouvoir se détend ;
Plus de règle. L’enfant n’a plus rien qui l’arrête.
Vous démolissez tout. - Et j’ai baissé la tête,
Et j’ai dit : - Je n’ai rien à répondre à cela,
J’ai tort. Oui, c’est avec ces indulgences-là
Qu’on a toujours conduit les peuples à leur perte.
Qu’on me mette au pain sec. - Vous le méritez, certe,
On vous y mettra. - Jeanne alors, dans son coin noir,
M’a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir,
Pleins de l’autorité des douces créatures :
- Eh bien, moi, je t’irai porter des confitures.