LES RAISINS DE LA COLÈRE

L’histoire se passe à Châteauneuf-du-Pape entre Avignon et Orange là , où s’étalent 3000 hectares de vignes au pied des ruines de la forteresse qui domine la plaine du Comtat. Tout le coin est inféodé au célèbre vin « Châteauneuf du Pape » de la famille des Côtes du Rhône. Et l’histoire est digne d’initier un roman policier , voire une série télé où l’enquête pourrait être confiée par son aspect rural à l’Inspecteur Chef Barnaby de la police de Causton en Angleterre . Au premier plan, la famille Arnaud dont Guy est le patriarche et en arrière plan, comme il se doit, des étendues de vigne où les vendanges ont déjà commencé. Guy Arnaud possède deux domaines réputés , les châteaux de Cabrières et Maucoil qui totalisent une superficie de 51 ha . Carole, l’une des trois filles de Guy renifle de l’entourloupe au niveau de la mise en bouteilles et va vider sa hotte auprès de la Répression des fraudes et des douanes. Elle leur confie que son père a coutume d’aller acheter son vin à vil prix dans des supermarchés des alentours et qu’il le transvase ensuite dans ses propres bouteilles étiquetées « Châteauneuf du Pape.  » Pas moins que ça et dans le milieu viticole, c’est l’outrage suprême, je dirais même plus, c’est l’excommunication sans appel. Les inspecteurs des fraudes rappliquent donc et ne trouvent rien d’illicite à part peut-être la fuite d’une camionnette qui part vers l’arrière et qui va déverser un peu plus loin quelques hectolitres de rouge. Guy expliquera cela par la nécessité de changement d’affectation de cuve, démarche normale et habituelle. Carole a-t-elle poussé le bouchon trop loin ? Ses deux sœurs défendent leur père bec et ongles et une toute autre explication est livrée. Les trois filles doivent bénéficier chacune après les vendanges de 17 ha de parcelles de Châteauneuf et Carole n’aurait pas supporté d’attendre que le raisin soit pressé et aurait agi par vengeance. Il y a son mari aussi, la pièce rapportée qui pousserait au portillon pour que le dab lâche du cep. Alors, comme je le disais, le roman couve, se trame et tout est envisageable pour lui donner une suite. N’est point Connelly qui veut, ni encore Lehanne ou encore moins Patricia Mac Donald, mais il y a sûrement de quoi faire ! Pourquoi pas un cadavre entre deux rangées de vigne avec un sécateur planté dans la région thoracique, et du raisiné imbibant la chemise. Peut-être un noyé dans une cuve ou un pendu dans les caves et finalement le dernier survivant se réfugiant dans les vignobles du Bordelais, là où enfin  on lui lâchera la grappe. Ce qui est sûr, c’est que la cuvée Châteauneuf 2008 risque d’avoir à la dégustation un goût acide dans les verres .

Avis aux lecteurs : Je rappelle à celles et ceux qui parfois s’interrogent sur l’ authenticité des faits divers qu’il m’arrive de rapporter  que ceux-ci relèvent de la pure réalité . Je les narre bien sûr à ma façon, avec le choix du style, du vocabulaire et  avec comme il se doit une dose d’excès et de  dérision. Pour certains d’entre eux, c’est parfois avec une grosse dose d‘amertume et de compassion.