LE BUS DE LA HONTE
Peut-être avez-vous vu la vidéo de cette agression dans un bus de nuit, le Noctilien qui s’est passée en décembre dernier sur le coup des 4 heures du matin dans le XVII ème à Paris et révélée accidentellement au public ces jours ci . Je l’ai vue dans son intégralité sur Internet et elle est passée récemment au journal de la 2. Sur le Net, le ralenti du téléchargement ajoute à l’oppression, à l’angoisse et à la colère qui vous étreignent. On en connaît le scénario à l’avance : quatre « jeunes » s’en prenant à un autre avec violence pour le voler. Banal en soi, me direz vous ! Chez les employés de la RATP, on dit que c’est monnaie courante. Le décor est planté sous la lumière blafarde du plafonnier et on devine déjà les protagonistes. Un jeune homme se tenant debout agrippé à la barre semble être la victime toute désignée et les marlous cagoulés assis derrière lui sont vite repérables. La suite va nous confirmer la distribution des rôles. Le film avance et le drame se précise. Un type se lève et vient toiser la victime, jaugeant sa vulnérabilité. Des invectives fusent mais la victime ne réagit pas. D’abord le premier agresseur tente de lui voler sa montre et le jeune se défend tout de même. Pendant cette diversion, un autre petit loubard lui tire son portefeuille. La victime s’en rend compte et tente de récupérer son bien. Et puis, c’est l’engrenage, l’hallali . Il en a maintenant quatre sur le dos qui le cognent, le mettent à terre et l’entraînent au fond du car pour s’acharner sur lui à coups de pieds. Le spectateur que je suis a honte d’assister impuissant à tout ça, même si l’affaire est pliée depuis longtemps. Comme on voudrait y être pour porter secours si toutefois au moment présent, on en avait les couilles. Le lynchage semble interminable sur ces trois à quatre minutes de vidéo qui vous paraissent une éternité. Le bus continue clopin-clopant sa route et le chauffeur n’intervient pas. Quelques stations s’égrainent et des passagers y descendent comme en temps ordinaire. Ils n’ont pas bronché, ont laissé faire, à part peut-être une dame d’un certain âge qui finit par descendre impuissante bien sûr . La fin du calvaire n’est pas loin . Un jeune tente tout de même de s’interposer mais il est tout de suite pris à partie par le tireur de porte monnaie pourtant pas plus haut que trois pommes à genoux. Le terminus de la violence touche à sa fin quand à la station prochaine les petits salauds descendent du bus. Trois pommes à genoux décide de remonter et cogne à nouveau à grands coups de poing dans la face la victime qui s’est maintenant réfugiée près du chauffeur. Celui-ci encaisse les coups sans trop réagir. On ne lui a probablement pas appris à se battre et il n’en avait jusque là pas vu l’utilité. Ça n’arrive pas qu’aux autres ! Le chauffeur qui a paraît-il appelé la police par un signal discret essaie la dissuasion par des « ça suffit maintenant ! » mais les coups continuent à pleuvoir. La vidéo s’arrête enfin et on en sort avec les tripes nouées. Pour le reste, à savoir comment l’un des flics s’est emparé de la vidéo après leur arrivée tardive pour la montrer sur le Net et pour connaître ses motivations, c’est une autre histoire. Il aurait été suspendu de ses fonctions. Quant au chauffeur, il a reçu les félicitations de sa hiérarchie. Sans doute, parce qu’il ne s’est pas affolé et qu’il a conduit le bus à bon port, les mains bien posées sur le volant. Tout de même ! J’espère que la personne lâchement et sauvagement agressée dans ce bus infernal n’en aura pas gardé trop de stigmates, et au corps, et à l’âme surtout ! Je connais par ailleurs un matamore qui pour se faire élire nous promettait la sécurité avec ses mots à lui. Même là, il aura échoué !