LA MORT EN LIGNE

A Pollica, dans le sud de l’Italie, les tombes du cimetière vont être équipées de caméras, du moins pour les familles qui en feront la demande. Le maire Angelo Vassalo a affirmé que de nombreux touristes désiraient être enterrés dans cette petite ville. Désormais, ce sera « Voir Pollica et mourir ».  Le must du must sera donc l’équipement vidéo qui mettra les tombes en ligne. Déjà, certains débiles extra muros n’auront plus le loisir de venir incognito et impunément souiller les tombes et c’est ici une prévention positive. Mais là n’est point la motivation première de la web cam tombale. Les vivants pourront garder un œil protecteur et affectueux sur leurs défunts et faire appel à distance au jardinier dès le flétrissement du chrysanthème. D’autres ici-bas pourront aller jusqu’au dialogue avec leurs proches disparus mais n’allons pas plus loin et respectons ici cette intimité. Ce qui est plus intéressant, c’est l’usage qu’on pourra faire de ces caméras intra muros, je veux dire par là, entre trépassés du même cimetière. Sans doute pourra-t-on converser d’un carré à l’autre et échanger ses sentiments, ses préoccupations. La situation météo sera encore et toujours le sujet incontournable, qu’on soit exposé plein nord ou plein sud. Des bons mots seront forcément échangés avec probablement quelques acidités sur le monde des vivants et leur gouvernance immortelle. Et puis au petit matin, il y aura inévitablement les dénonciations et les plaintes auprès du Conservateur à propos de celles et ceux qui pendant la nuit auront semé le bazar, empêchant les plus calmes d’entre eux de reposer paisiblement. Car ne vous y trompez pas ! Les emmerdeurs d’hier n’auront pas changé d’attitude sous prétexte de passage de vie à trépas. On dit aussi que certaines tombes seront équipées d’un dispositif sonore permettant de créer une atmosphère propice au recueillement. De la musique pour le recueillement, c’est ce qu’on dit au début, et puis ça finit par dégénérer très vite. Tout ça risque de se transformer en rave parties où les petits préludes de Mozart , Bach ou autres cèderont la place au rap et au hip hop. Alors, futurs candidats au cimetière de Pollica, réfléchissez y à deux fois ! Le « Ici repose » risque vite de finir en « Debout les morts ! ».