ÉTÉ POURRI

On nous avait pourtant dit en juin qu’on risquait d’avoir un été pourri. Mais dans l’esprit tourmenté du commun des météorologues et des grenouilles associées, un été pourri se compose avec de la pluie et de la fraîcheur. Le printemps qui s’était mis aux abonnés absents, les fonds marins qui étaient froids, tout laissait présager qu’on aurait les pieds dans la flotte en juillet et en août. Et bien, en guise de fraîcheur, on a eu la canicule, et comme chacun sait, quand y-a la canicule, comment veux-tu, comment veux-tu ? L’été pourri, même si c’est pas celui qu’entendent les faiseurs de glace ou des crèmes solaires, on l’a eu et bel et bien eu. Les mains moites et les pieds poites, les avant-bras qui collent aux papiers sur la table, le dos qui suinte jusque dans la culotte, la culotte qui colle au cul, les fourgons funéraires qui sortent davantage sous le cagnard, les crêpages de chignon dans les maisons de retraite et les maisons d’arrêt, les coups de chaleur dans les abris bus, le goudron fondu qui adhère à la semelle, les moustiques qui font la java jusqu’à plus soif, la promiscuité nocturne autour des fenêtres des hlm et les gémissements de toutes sortes qui s’en échappent, les frigos qui surchauffent, les bébés qui suffoquent dans les berlines, les poissons rouges qui cherchent de l’air à la surface des aquariums, les grenouilles qui suffoquent dans les mares, les ventilateurs qui vous refilent l’angine rouge ou les points blancs, les points noirs sur la route où ne se dissipent plus dans l’air figé le dioxyde de carbone, le protoxyde d’azote, l’hexafluorure de soufre et les halocarbures, les employés de banque au supplice de la cravate, les ménagères qui tuent le temps pourri dans les rayons réfrigérés des grandes surfaces,  la razzia des asthmatiques sur la ventoline, les accouchements qui se font précoces,  les glaçons  éphémères dans les verres d’apéro, les couteaux qu’on sort dans la cuisine pour règlements conjugaux de tous comptes,  les aliénés qui se font plus fous qu’ils ne sont, le melon de Charentes qui prend la saveur de la courge,  et j’en passe et des meilleures. C’est ça que vous appelez un bel été ? Une putain de saison, vous voulez dire ! Mais, grâce au ciel, dès demain, il semblerait qu’on se dirige vers des jours meilleurs. Je vais pouvoir remettre mon ordi en position standard.