CHRONIQUE PNEUMATIQUE
Il y avait longtemps que je ne m’étais pas mis un petit fait divers sous la dent ! Que du bonheur, même si mon récit s’en trouve un pneu déjanté.
Six mois de prison avec sursis ! C’est ce qu’a écopé un habitant de Compiègne pour avoir crevé en l’espace de trois mois 152 pneus sur 77 voitures. D’après mon calcul approximatif ça doit représenter 36 heures de prison par pneu. Et comme les raconteurs de nouvelles ne sont jamais complets dans leur analyse, il n’est pas précisé combien de pneus furent crevés par voiture. Cela a son importance tout de même ! Les emmerdements ne sont pas les mêmes si vous retrouvez votre bagnole avec un pneu crevé ou avec les quatre. A partir de deux, ça vous coûte le dépannage en sus. Sachant que 152 n’est pas divisible par 77, les malheureux automobilistes ont été traités différemment. Un pneu sur l’une, deux sur une autre ou trois ou quatre sur d’autres modèles pour lesquels notre perceur n’ avait pas de sympathie. Pour ma part, si j’avais eu le choix , j’aurais été plus vicelard avec les BMW et les Mercédès qu’avec les Clio ou les vieilles 104 Peugeot. Ce sont les gênes de l’homme du peuple qui remontent à la surface et on ne se refait pas. Bref, notre homme opérait la nuit sur les parkings proches du théâtre et c’est là qu’il s’est fait alpaguer, l’arme à la main. Et le mobile, me direz-vous ? Je préfère le substantif « motivations » puisque que nous sommes entre psychologues avertis et non entre gendarmes qui rient à la gendarmerie. Et bien c’était tout simplement par vengeance que le malheureux homme mettait les voitures sur leurs essieux. Les Compiégnois et les Compiégnoises le regardaient d’un drôle d’air et disaient du mal de lui dans son dos, et allaient même jusqu’à se payer sa fiole. Faut les prendre en compte ces éléments, même s’ils n’existaient que dans son imagination. Combien de souffrances et de frustrations peuvent vous gâcher la vie d’un homme ! Les filles canons qui vous snobent, les grands mecs beaux et baraqués qui vous rendent encore plus petit, les beaux parleurs qui vous font bredouiller, les pantalons trop courts qui font voir vos chaussettes, le sandwich de midi que vous avalez tout seul sur un banc public et tous ces ressentis qui vous donnent dans votre miroir une image de loser. Et puis, l’histoire se passe à Compiègne, morbleu, une ville à poisse, là où fut capturée notre Jeanne nationale le 23 mai 1430 par les bœufs Bourguignons ! Ce genre d’endroit, moi j’évite !