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Blog AMERTUME
17 juin 2015

LE JOURNAL DE GUILAINE (2)

 

LE JOURNAL DE GUILAINE (2)

Courrier :

(Fanette)  Merci à vous Guilaine! Si les responsables d'ADMR pouvaient vous lire et faire une meilleure sélection de son personnel...peut-être pourriez- vous trouver quelqu'un qui lâche son chiffon pour faire une énième fois la poussière du vaisselier et prendre du temps pour vous emmener au parc profiter des belles journées ensoleillées... Je viens de passer une semaine dans un secteur de long séjour...j'ai visité un Ehpad à la vitrine avantageuse mais quand on gratte un peu...
Guilaine, je vous souhaite de rester chez vous le plus longtemps possible si vous y êtes, bien-sûr, en sécurité! 

Voilà, c’est décidé avec Gilren, il insérera le courrier reçu en début de mon récit. Merci Fanette pour ce témoignage ! N’hésitez pas chacun d’entre vous à m’écrire un petit mot à votre convenance pour agrémenter mon monologue. C’est tellement important pour moi les contacts que je peux avoir avec autrui. Bien sûr, et comme vous avez raison, il n’est pas question que j’aille dans une quelconque maison ou pension. Qu’on l’appelle comme on voudra, ce sera toujours un mouroir ! Ma copine Solange vient d’emménager au Boulevard des Allongés après trois semaines seulement en maison de retraite. Ses enfants avaient fini par se résoudre à son placement vu qu’elle se cassait la margoulette entre le salon et la cuisine Elle avait pourtant trois ans de moins que moi avec ses 88 ans mais la loterie de la vie a voulu la faire partir avant moi. Je ne lui aurai rendu qu’une seule visite dans sa chambre cuisine, et je ne lui en aurais pas fait une seconde. Même si l’endroit n’était pas si sinistre que ça avec un petit balcon donnant sur le jardin, ce sont les pensionnaires qui m’ont brisé le moral. Tous assis en rang d’oignons, cramponnés à une canne et à se raconter des histoires mille fois racontées. Et puis de la voir pleurer ainsi Solange que ça m’a fendu l’âme. Pensez- vous ! Elle qui était si fière de son appartement coquet où elle avait vécu avec son défunt mari et devoir se séparer de tous ses meubles et même de son grand lit, la directrice ne tolérant que le strict nécessaire, mais vu l’exigüité de la pièce, c’eut été impossible d’en rentrer davantage. Elle descendait au réfectoire à reculons, et un jour elle n’est pas descendue du tout. Le personnel est monté et l’a découvert couchée à côté du lit, sans vie. J’en ai chialé toutes les larmes de mon corps quand j’ai appris la nouvelle de la bouche d’Edith et que même mon fils l’a drôlement engueulée de m’avoir raconté tout ça par le menu. Peut-être que je vais aller la voir au cimetière, mais ça va être le parcours du combattant à moins que Clément m’y emmène. Hier matin, je suis encore tombée dans le couloir, mais je ne le dis pas à mon fils pour ne pas le pousser à la décision fatale. Il va encore me demander d’où vient ce bleu à mon bras. « Je me suis cognée à l’armoire en passant » que je lui dirai, comme d’habitude. Il m’a pourtant commandé un déambulatoire, mais c’ est pas évident du tout pour passer d’une pièce à l’autre. Ça me rappelle quand je conduisais ma Clio et que Georges mon défunt mari prenait place héroïquement à mes côtés, comme il disait. Il me répétait sans cesse de tourner plus large pour ne pas heurter les trottoirs. Pour l’extérieur, je dois reconnaître que c’est pratique et que ça me fait du même coup un chariot pour mes commissions. C’est vrai que depuis quelques temps, je n’ai plus d’équilibre. On m’a dit nombre de fois que ça venait de l’oreille interne, mais le médecin qui n’y va pas avec le dos de la cuillère m’a expliqué que j’avais des trous dans le cerveau. Je déteste, je hais le Docteur Martineau. Il conspire sans cesse pour que j’entre en maison de retraite. Moi je pense plutôt qu’il en a marre de se déplacer au domicile des vieilles de mon âge. En pension au moins, il peut en voir à la chaîne et ça lui évite de se casser la tête pour circuler en voiture et dénicher une place de parking devant les domiciles de ses patientes. Clément, je le vois en principe une à deux fois par semaine sauf quand il est en déplacement. Il a 52 ans et travaille comme conducteur d’engin dans une entreprise de travaux publics. Divorcé depuis quelques années, il a une fille, Chloé, ma petite fille donc, qui vit maintenant avec son mari et ses deux enfants au Québec. C’est dire que si elle a occupé mes genoux sans modération durant son enfance, je ne la vois plus beaucoup. Elle m’écrit sur Internet et m’envoie des photos, d’elle et de ses deux petits, Marion et Jules. Au début, on a essayé de correspondre sur Skype, mais ça devenait trop compliqué pour moi. Clément m’a pris cet ordinateur surtout pour pouvoir correspondre et j’arrive tant bien que mal à gérer le courrier. Ç’a été laborieux, surtout pour les copies d’adresses au cours des envois. Longtemps, je me suis évertuée à écrire le libellé lettre par lettre avant de comprendre qu’en cliquant dans les contacts, ça venait automatiquement. Qu’est-ce que j’en ai bavé avec cet « arobase » que je n’arrivais pas à écrire à l’écran ! Mais régulièrement, il faut que Clément ou que Cetherine, une de mes Aides qui s’y connaît un peu, vienne mettre de l’ordre sur l’écran. J’ai pourtant deux à trois icones d’affichés, mais maladroite comme je suis, je les efface parfois, je ne sais comment. Je reviens vers vous Fanette sur le problème de sécurité à domicile dont vous parlez, et là, s’il y avait défaillance de ma part, ce serait rédhibitoire pour le maintien dans mes murs. Aussi, j’essaie de faire chaque jour un sans -faute, mais tout à fait entre nous, c’est «à la vas-y j’te pousse ! » Un œuf que je veux faire cuire dur et qui finit sans eau dans la casserole au bout d’une heure, ou le torchon que je laisse trop près du brûleur de la gazinière. Heureusement, il y a l’odeur qui peut nous sauver car si j’ai perdu pas mal d’ouïe, j’ai toujours mon odorat. La vieillesse ne peut pas tout nous enlever, sacrebleu ! Mais j’ai décidé d’un stratagème pour ce qui est du gaz, même si Clément me l’a interdit formellement. Lorsque j’ai quelque chose sur le feu, je me répète dans ma tête « gaz-gaz-gaz-gaz-gaz » et cela sans interruption jusqu’à la fin de l’opération. Je vais jusqu’à chanter cette litanie, mais il ne faut surtout pas que je sois interrompue par un élément inattendu, car je finis par oublier complètement. Un oiseau qui se pose sur le balcon de la cuisine, et hop, je repars dans une autre aventure. Non, ce qui est surtout à craindre, ce sont les chutes, et surtout sous la douche, comme toutes les filles de mon âge, nonagénaires, et qui ont encore la chance de faire leur toilette elles-mêmes. Comme certains pigeons voyageurs, je porte un collier émetteur autour du cou relié à une télé-alarme qui me permet d’alerter les secours en cas d’urgence. Encore faut-il que je n’oublie pas de le passer ! J’ai une peur bleue de le déclencher par inadvertance, car je n’ai jamais aimé déranger. Pour ce qui est de mes tâches domestiques, elles sont assez limitées, finalement puisque le repas de midi m’est livré à domicile. Il y a la machine à café et le lave- linge que je gère à peu près comme il faut. Pour le café, c’est la dosette, une longue pour le petit-dej et une courte après le repas de midi. Mais si par malheur, ou par bonheur plutôt, j’ai de la visite et que je veux en servir, je suis perdue. Faut que je vous dise que j’ai tellement l’habitude d’être toute seule la plupart du temps que dès qu’il y a du monde, je perds mes repères. L’autre fois, je ne sais plus qui est passé, mais j’ai été incapable de me souvenir de mes fondamentaux. Pour le lave- linge, c’est parfois plus compliqué. Il m’arrive de ne pas mettre le liquide de lessive, de tourner le bouton de manière anarchique alors que ça avance tout seul, et plus grave pour mon entendement, c’est qu’en fin de cycle je me demande bien souvent si j’ai commencé la lessive. Il faut que j’ouvre le hublot et que je touche le linge pour voir s’il est humide. Mais bon, je crois que je suis consciente de tout ça, des fuites de mes idées et n’allez pas croire que je travaille du chapeau, comme par exemple ma voisine de palier, qui malgré son jeune âge- elle doit tourner autour de la cinquantaine- est une zinzin de première. Mais j’aurai l’occasion de vous en parler une prochaine fois. A bientôt !

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