CALINOTHÉRAPIE

Je ne sais pas vous, mais moi, je n’affectionne pas de trop le mois de janvier. Gris et froid dehors, le calendrier qui redémarre, les virus qui se pointent, et pas vraiment l’envie d’avoir envie. Du coup, ce n’est pas innocent que ce mois soit propice au blues, et je veux bien croire la théorie du Dr Arnal de l’université de Cardiff, prétendant que le troisième lundi de ce mois pourri, nous fasse vivre le pire du pire en matière de dépression.  Le « Monday blues » comme on a coutume de l’appeler, et ce coup-ci, ça tombait le 21. Je ne sais pas comment vous l’avez passé, et si vous en êtes sorti indemne, mais pour ma part, il n’était pas plus terrible que la veille ou le lendemain. Il est pourtant probable, que les marchands de corde devaient être en rupture de stock, et qu’il devait y avoir affluence aux abords des ponts.  De ce fait, pourquoi ne pas avoir recours à la calinothérapie, plutôt que d’avaler des gélules de Prozac, de Zoloft, de Seropram ou de Kesèjencor. Je sais, c’est à la mode, et des spécialistes ont même pignon sur rue pour dispenser du câlin. 25 € la demi-heure chez l’un, 32 € chez l’autre où vous avez droit à la tasse de thé en sup. Ne tombez pas dans ces pièges-là ! Halte au mercantilisme ! A ce compte- là, autant aller dans un salon de massage où on vous fera la complète. Non, le câlin, y peut se recevoir n’importe où, n’importe quand, et par n’importe qui. Bon d’accord, ça ne marchera peut-être pas du premier coup, mais si vous insistez, vous finirez bien par l’obtenir. Attention cependant ! Le câlin doit être du donnant donnant, et le mieux, avec une personne étrangère rencontrée dans la rue ou dans un lieu public, c’est à vous d’attaquer en premier pour finir par en obtenir un en retour. Un gendarme qui vous interpelle à un carrefour, hop, vous l’enlacez très fort ! La caissière de magasin qui déroule vos achats, et hop ! Les gens qui vous côtoient dans les pissoirs et qui sifflotent pour cacher leur gêne, et hop, une caresse dans le dos ! Et vous les collégiens qui pénétrez en classe le matin, hop, vous enserrez la prof de maths et lui distillez des gentillesses et lui récitez le théorème de Thalès. Plus l’offre sera multiple, plus vous aurez de la chance d’avoir du retour. Ce serait bien le diable qu’on se montre agressif à votre égard après ces gestes d’amour. Combien se rendrait-on ridicule en ne jouant pas le jeu ! Maintenant, il faut aborder le « comment faire », et là encore, vous avez des tas de sites qui se sont installés sur la toile pour vous expliquer comment vous y prendre. Allons, allons !  N’allez pas ouvrir un livre de recettes pour savoir comment faire un câlin ! Ne faites pas comme ce Mr Jourdain qui voulait qu’on lui enseigne la prose ! Vous ouvrez grand les bras et vous enlacez, point barre ! n’allez pas minuter le temps d’étreinte ! Vous n’êtes pas devant votre four micro-ondes !  Un laps de temps vous enserrez, puis vous relâchez et votre vis-à-vis vous retourne la pareille. N’y mettez pas trop de vigueur non plus ! Je parlais plus haut de la prof de maths, et si celle-ci est toute petite et menue, enserrez là avec douceur, même si elle est acariâtre. Pas la peine qu’elle se retrouve avec une côte fêlée ou un écrasement de la glande thyroïde. Maintenant, pour le joue contre joue, c’est selon. Y-a des allergiques à la barbe, aux mauvaises haleines aussi, et il vous faudra composer sur le moment. Veillez tout de même à garder un minimum d’écart au niveau pelvien pour vous éviter des ennuis avec des personnes susceptibles. Le câlin doit rester câlin ! Et c’est ainsi que ça pourra vous aider à lutter contre la déprime, l’anxiété, et à vous faire voir le mois de janvier meilleur, et les mois qui suivent, aussi. Maintenant, vous me direz pourquoi aller quémander du câlin sur la voie publique alors qu’on peut en avoir chez soi. Pas élémentaire du tout mon cher Watson ! D’abord il y a des gens qui vivent seuls chez eux, et puis pour les autres, ceux qui sont accompagnés, il en est pour qui c’est « l’hôtel du cul tourné ». Telle était l’expression de ma vieille tante Léone, quand elle voulait priver son mari d’affection. Et puis, pour que le câlin fonctionne, il faut qu’il y ait consentement ! Je lisais récemment dans un journal sérieux le détail de la posologie du câlin, établi par la psy de service : « Nous avons besoin de quatre câlins par jour pour survivre. Nous en avons besoin de huit pour fonctionner. Et de douze pour croître. » Je dirai que c’est pas tant la quantité qui compte, mais si déjà on peut en recevoir un seul, un fort, un vrai de vrai, c’est déjà gagné !

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