L’ÉTAPE DU JOUR
L’étape du jour emmenait les coureurs de Bayonne à Luchon, et c’est sous une pluie cinglante et glaciale que le départ a été donné. Le départ réel a été donné à Eaux Bonnes après 180 km de mise en jambes où les coureurs ont roulé paisiblement, et ce n’est en fait qu’au pied de l’Aubisque que les coureurs ont mis pied à terre pour changer leur braquet. D’entrée, c’est le Belge Lucien Buysse, 8ème au général qui a mis le feu aux poudres en s’échappant seul dans le col pour le franchir sur le coup de midi. Ses adversaires directs tels Huyse, Parmentier, Dejonghe et Bottecchia qui comptaient pourtant sur lui une avance confortable sont déjà relégués à une poignée de minutes au Général. Dans la descente, Dejonghe rejoint son compatriote, et dans l’ascension du Tourmalet, Taillieu rejoint les deux fuyards. Les coureurs connaissent alors l’enfer. La route est creusée d’ornières et les voitures suiveuses compliquent les affaires des coureurs en patinant dans la boue et se mettant en travers de la route. Dire que ça gêne les coureurs de rouler et même de marcher dans la boue est un euphémisme. Oui, ils sont parfois contraints de pousser à pied leur bicyclette car la boue encrasse toute la mécanique, pédalier, chaine et pignons. Certains suiveurs en voiture ont vu la plupart des coureurs uriner sur leur machine pour un sommaire nettoyage. On arrive tant bien que mal au pied du col d’Aspin, et Taillieu qui était pourtant passé en tête au sommet du Tourmalet avec une minute d’avance sur ses deux rivaux souffre de coliques terribles après avoir bu de l’eau glacée. Il met pied à terre non sans mal, ayant le cul collé à la selle et disons- le aussi, la selle collée au cul. Cette aventure dantesque s’est terminée avec la chevauchée en solitaire de Buysse qui après 17 heures de souffrance et une vitesse moyenne de 18,952 km/h a franchi en vainqueur la ligne d’arrivée à Luchon. A l’heure où j’écris ces lignes, nous apprenons à la rédaction d’Amertume que 54 coureurs sur 76 ont terminé la course, mais une enquête serait diligentée concernant les onze derniers de l’étape qui auraient pris le bus sur une partie du parcours. C’est le chauffeur du bus qui aurait cafté car ces tricheurs n’auraient même pas payé leur place. D’autre part, on apprend que seuls les cinq premiers de la course dont notre valeureux Buysse n’auraient pas triché, les autres ayant fait une importante partie du parcours en voiture. Affaire à suivre …
Buysse pousse son vélo dans la boue. Déterminé, hargneux, arriver coûte que coûte ! L'étoffe des héros.
Seul au monde et pataugeant dans la gadoue, Buysse confiera à l'arrivée que sa grande peur était de rencontrer l'ours des Pyrénées parti en goguette et le prenant en chasse.
Ici, point de claques dans le dos de la part de spectateurs, mais un touriste à vélo qui essaie de prendre la roue du champion.